Alerte
Nouvelle réforme des obligations déclaratives concernant les Trusts
L’ordonnance prise en Conseil de Ministres le 12 février 2020 par habilitation législative prévoit notamment les mesures de transposition de la directive européenne de 2018 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (5ème directive anti-blanchiment).
Certaines dispositions impactent directement les obligations déclaratives des administrateurs de trust en France (l’article 1649 AB du Code Général des Impôts est modifié).
1. Champ d’application des obligations déclaratives françaises
Jusqu’à présent, le champ d’application des obligations déclaratives incombant aux trustees visait uniquement les cas où :
- L’administrateur, le constituant ou l’un au moins des bénéficiaires est résident fiscal de France ou ;
- Le trust comprend un bien ou un droit situé en France.
Le nouveau texte de loi couvre désormais, et de manière spécifique, les situations visées par le registre des bénéficiaires effectifs: un trustee doit se conformer aux obligations déclaratives dès lors qu’il est établi ou réside en dehors de l’Union Européenne et qu’il acquiert un bien immobilier ou entre en relation d’affaires en France.
La notion de « relation d’affaires » est définie par renvoi à l’article L 561-2-1 du Code Monétaire et Financier qui vise une relation professionnelle ou commerciale avec un client, incluant le cas échéant, le bénéficiaire effectif. En particulier, en présence de contrats d’assurance-vie et de capitalisation, la relation d’affaire inclut le bénéficiaire du contrat et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif du bénéficiaire du contrat. Selon le code monétaire et financier, une relation d’affaire est nouée lorsque le professionnel engage une relation censée, au moment où le contact est établi, s’inscrire dans une certaine durée. La relation d’affaires peut être prévue par un contrat selon lequel plusieurs opérations successives seront réalisées entre les cocontractants ou qui crée à ceux-ci des obligations continues. Une relation d’affaires est également nouée lorsqu’en l’absence d’un tel contrat un client bénéficie de manière régulière de l’intervention d’un professionnel pour la réalisation de plusieurs opérations ou d’une opération présentant un caractère continu.
Il est regrettable que cette définition demeure si vague et nous espérons qu’elle sera précisée par un décret ou par une mise à jour de la Doctrine administrative.
2. Contenu des informations devant être révélées
Lorsqu’une situation entre dans le champ des obligations déclaratives, en sus des informations devant déjà figurer sur les formulaires déclaratifs :
- Le ou les protecteur(s) devront désormais être révélés ainsi que toute autre personne physique exerçant un contrôle effectif sur le trust ou exerçant des fonctions équivalentes ou similaires ;
- Pour chaque membre du trust (administrateur, constituant, bénéficiaire, protecteur ou toute autre personne physique exerçant un contrôle effectif), sa nationalité devra désormais être précisée.
En pratique, les formulaires actuellement disponibles ne sont plus adaptés. Nous espérons que l’administration publiera rapidement de nouveaux formulaires compte tenu de la date limite de dépôt des déclarations annuelles fixée au 15 juin.
3. Précisions relatives au contrôle et pénalités
Le Livre des Procédures Fiscale a également été modifié et précise désormais que l’Administration devra notifier aux administrateurs toute divergence entre les informations rassemblées dans le registre des trusts et les informations sur les bénéficiaires effectifs dont l’administration dispose.
En cas d’acceptation du constat de la divergence ou de réponse suffisante de l’administrateur, l’administration modifiera ou complètera les informations conservées dans le registre.
En l’absence de réponse, ou à défaut de réponse suffisante de l’administrateur, l’amende de 20.000 € déjà prévue à l’article 1736 IV bis du code général des impôts pourra être appliquée.
4. Les registres de trusts
Les informations contenues dans les déclarations de trusts sont réunies dans un registre.
Un accès total à ce registre est accordé à certains professionnels, notamment les autorités judiciaires, les douanes, les autorités de police, les autorités fiscales, les autorités financières ainsi que celles en charge du contrôle des obligations en matière de blanchiment de capitaux. Ces professionnels sont également autorisés à communiquer aux autorités d’autres Etats-Membres toutes les informations nécessaires à leur mission, de manière spontanée ou sur demande.
Par ailleurs, un accès restreint est permis à un public plus large :
- Qui peut bénéficier d’un accès restreint ?
-
- toute entité assujettie aux règles de vigilance à l’égard de la clientèle en matière de blanchiment de capitaux, ainsi que
- toute personne physique ou morale qui introduit une demande écrite portant sur un trust qui détient directement ou indirectement une participation de contrôle dans une société située dans un Etat tiers, et
- toute personne physique ou morale qui peut démontrer un intérêt légitime dans la lutte contre le blanchiment de capitaux (ce qui pourrait inclure certaines organisations non gouvernementales et les journalistes d’investigation).
- A quelles informations peuvent-ils accéder ? A l’identité du bénéficiaire effectif, à savoir le nom, le mois et l’année de naissance, le pays de résidence, la nationalité du bénéficiaire effectif ainsi que la nature et l’étendue des intérêts effectifs détenus.
La notion « d’étendue des intérêts effectifs » d’un bénéficiaire de trust soulève de nombreuses questions.
Il sera nécessaire de suivre de très près la mise en œuvre de ces nouveaux textes.
L’équipe Arkwood